Tous les ans, près de 530 000 enfants naissent de mères qui travaillent. Certaines grossesses se passent bien, d’autres moins. L’INRS a creusé le sujet.
L’Institut national de recherche et de sécurité (INRS) pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles a fait paraître en 2010 un ouvrage fort intéressant : Grossesse et travail : quels sont les risques pour l’enfant à naître ? La quarantaine d’experts scientifiques (médecins, juristes, pharmaciens, épidémiologistes…) à l’origine de ce pavé de 560 pages passent en revue les différents risques professionnels - chimiques, biologiques, radioactifs, bruit, stress... - qui peuvent avoir une conséquence sur la santé des femmes enceintes et de leur enfant.
Dominique Lafon, médecin toxicologue à l’INRS, en charge des questions d’assistance concernant les risques des expositions professionnelles lors de la grossesse, fait le point sur l’état des connaissances actuelles sur le sujet.
Quels sont les risques professionnels susceptibles d’avoir une influence sur le déroulement de la grossesse d’une femme active ?
Mis à part des risques particuliers, tels que ceux dus à certaines substances chimiques, certains agents biologiques ou les rayonnements ionisants, il faut surtout penser à la pénibilité du travail. C’est en effet souvent le cumul de contraintes de travail difficiles et donc fatigantes qui entraine des risques : horaires décalés, port de charges trop lourdes, station debout ou courbée prolongée, stress, chaleur, bruit, sans oublier les transports…
Quelles peuvent en être les conséquences sur la santé de la future mère et de son enfant ?
Il peut y avoir des problèmes de naissance prématurité, de mort fœtale, de fausse couche, d’avortement précoce, d’hypertrophies à la naissance, de retards de développement psychomoteur, de malformations.
Certaines catégories de salariées enceintes sont-elles plus menacées que d’autres ?
Oui, ce sont celles qui ont un emploi précaire comme les intérimaires, les CDD et les étudiantes en thèse par exemple lorsqu’elles manipulent des produits dans le cadre de leur recherche. Dans ces trois cas, elles peuvent hésiter à révéler leur grossesse, la déclarer tardivement, voire la cacher de peur de perdre leur emploi. Les salariées travaillant dans des TPE-PME peuvent aussi connaître des difficultés. L’évaluation des risques professionnels obligatoire dans toutes les entreprises est souvent plus rarement réalisée, moins bien faite que dans les grandes entreprises. Et lorsque des risques existent, les diminuer peut être plus compliqué du fait de difficultés financières. Si un changement de poste est nécessaire durant la grossesse, celui-ci est rarement possible dans les petites entreprises, aucun autre poste non exposé n’étant disponible.
Quels sont les emplois qui présentent de vrais risques ?
Traditionnellement on cite les emplois de la santé tels que les infirmières, les anesthésistes ou les aides-soignantes. Elles peuvent manipuler des produits à risque (traitements anticancéreux, anesthésiques), travailler de nuit, être exposées à des agents biologiques, soulever des charges… Les personnes qui s’occupent d’animaux comme les vétérinaires et leurs assistantes sont soumises notamment à des risques de zoonoses, les métiers des services avec les salariées travaillant dans les blanchisseries ou les entreprises de nettoyage peuvent être exposées à des produits et à du travail physique pénible. Les vendeuses sont souvent debout, peuvent porter des charges. Les esthéticiennes doivent se poser la question des produits manipulés. A noter que la profession d’avocate a fait l’objet d’études aux Etats-Unis et présentait des risques à cause du stress et des conditions de travail (horaires prolongés…).
Les salariées enceintes ont-elles conscience de ces risques ?
De plus en plus, mais c’est important de faire passer le message de la nécessité d’évaluer les risques pour la grossesse. Celles qui sont en particulier en contact avec des produits chimiques devraient si possible s’interroger sur les risques encourus avant d’entamer une grossesse, envisager les précautions à prendre, et bien entendu en parler au médecin du travail. Elles peuvent aussi demander à leur employeur de consulter le document unique d’évaluation des risques professionnels. Ce document est obligatoire, imposé par le Code du travail à tous les employeurs, même si certains ne l’ont pas forcément établi... C’est aussi pour cela que nous préconisons le lancement d’une campagne nationale sur le thème « Agir à temps, c’est agir avant » ciblant les salariés et les employeurs. Elle pourrait être le prétexte à un vrai débat dans les entreprises sur la place de la grossesse et les risques professionnels associés.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire